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Pascal Rebetez
4 juin 2012

Pascal Rebetez par lui-même

Pascal RebetezLa difficulté de vivre est souvent le credo principal de beaucoup d’écrivains. Et ils nous le disent avec insistance soit avec un narrateur-entremetteur, soit en disant JE sans vergogne. Si la vie n’est pas un long fleuve tranquille, Rebetez ne gémit pas sur les difficultés de celle-ci. En fait elles sont inhérentes à la vie, donc ce n’est pas le sujet premier. Le sujet c’est la vie. Et il faut la vivre absolument, avec tous les égarements envisageables ; et ils sont parfois nombreux. Donc il faut dire la vie. Dans en pure perte il dit : « le bonheur ne fait pas de la bonne littérature ». Mais l’inverse est également vrai !

Dans ses égarements plus ou moins volontaires, il y a ceux dus au sexe. Pas de Pascal Rebetez sans art rut ! Ça le démange, ça le pousse, ça l’aide à digérer, c’est une preuve de l’existence – doit-on se priver pour mieux vivre ?! Ça donne de la vitesse, l’art du montage – au propre et au figuré – et parfois l’art du raccourci. Pour ceux que la chose dérange, voire fatigue, ce que je peux aisément comprendre, il y a suffisamment de littérature suisse romande asexuée pour satisfaire son désir de non jouissance. La lubricité de l’écrivain ou de ses narrateurs est cocasse, amusante et jouissive. Je ne vais pas bouder mon plaisir.

Lire p. 71 et sq de l’amour borgne.

Dans ce texte, et d’autres, il y a quelque chose du Cendrars de emmène-moi au bout du monde, du Céline de Guignol’s band ; ou de la verve de Belmondo dans le film de Verneuil, un singe en hiver. La truculence de Rebetez ne permet pas de s’endormir en chemin. Et une caractéristique qui ne fut pas l’apanage de beaucoup d’écrivains reçus par cette noble Compagnie, c’est l’humour.

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Malgré les malheurs, Rebetez arrive à trouver le cocasse d’une situation et la nécessité d’écrire.

Lire p. 154 en pure perte.

Rebetez, s’il parle de lui et pour lui, mais qui ne le fait pas, s’adresse également à quelqu’un. Il a un auditoire. C’est certainement une trace de son passé de comédien. Il parle, il écrit pour être écouté, et il existe parce que, parfois, il est entendu. L’auditoire, c’est le lecteur évidemment, mais via son fils. Le père tente de communiquer, de lui avouer ses erreurs ou ses errements, de le comprendre, ce fils qui devient un être à part entière, mais encore tellement en devenir ; de tenter un rapprochement quand ce n’est pas simplement de rester proche.

Cela me fait penser à Louis Jouvet dans Entrée des artistes, s’adressant à une toute jeune apprentie actrice : « Je vais parler à ton oncle comme j’aurais dû parler à mon père quand j’avais 17 ans. Je ne les ai plus parce que tu les as toi et que, tes 17 ans, il n’y en a pas pour tout le monde à la fois. »

De la tendresse, de l’émotion dans le jeu de la langue et de la vie. La langue de Rebetez, c’est de la matière qu’il donne. Les mots lui claquent sous la plume, qu’importe que lui soit parfois perdant.