Archives de la surprise de Vincent Aubert

Jean-Louis Kuffer
2 mai 2011

Jean-Louis KufferBon, j’ai corrigé vos compositions françaises. Tout le week-end ! Si en plus il avait plu, c’aurait été le bouquet ! / comme en plus il a plu, c’était le bouquet.

Bon, je ne prendrai qu’un exemple, je ne vais pas vous infliger en deux heures ce que vous m’avez infligé tout un week-end. Elève Kuffer Jean-Louis !

Où est-il ?
Ah ! vous êtes là ! Difficile de vous reconnaître, votre présence parmi nous est tellement rare. Mais je sais, l’enseignement de la chose française ne vous passionne guère et l’âge peu respecté de vos professeurs ne vous y encourage pas ! Mais vous aussi vous serez vieux un jour, Kuffer Jean-Louis, et vous aurez des petits merdeux de 20 ans arborant trois poils au menton qui vous diront – en moins poli, car vous au moins vous possédez des tournures de phrases honnêtes – , ils vous diront la même chose que vous écrivez à la page 14 d’une de vos sommes : « Le seul fait d’entendre, par manière d’accueil à la Faculté des lettres de Lausanne, et de la voix grise du Mandarin de l’époque à longue figure blafarde de calviniste, qu’en ces lieux ne se pratiquaient jamais l’amour de la chose littéraire mais la seule Analyse Scientifique des Structures, suffit à me renvoyer aux sous-bois et aux rivages de mon industrieuse paresse… » Sans commentaires.

Bon, continuons.
Le titre d’abord : les Passions Partagées. Sous-titre : Lectures du monde.
C’est bien Kuffer Jean-Louis, vous n’êtes pas prétentieux.

Il y a des bonnes choses. Et des moins bonnes.
Vous savez, je ne connais de la psychanalyse que ce qu’en dit le Marabout junior sur la question. Me cela me suffit amplement pour comprendre comment vous fonctionnez. Je cite : Cingria, Buzzati, Faulkner, Ramuz, Haldas, Walser, Leautaud… et j’en passe. Seriez-vous à la recherche d’un père, Kuffer Jean-Louis ? Si dans mon enseignement je prends exemple chez les écrivains qui ont laissé des traces, ce n’est pas pour les réciter comme les Saints du calendrier littéraire ! Allez, virez-moi tous ces ancêtres et acceptez de voler de vos propres ailes, même au risque de vous casser la figure ! Hein ? C’est fait ! Ben voyez, vous n’en êtes pas mort. On est plus solide qu’on ne le croit quand on sait l’alphabet.

Pour vous parlez comme une vieille bique qui regrette son week-end, je vous dirai que c’est un peu long tout ça ! Vous ne le savez peut-être pas, mais parfois vous êtes très bon dans le court, Kuffer Jean-Louis. Oui, oui, je vous cite p 44

« La maison de mon enfance avait une bouche, des yeux, un chapeau. En hiver, quand elle se les gelait, elle en fumait une ». je trouve cela magnifique. Si vos camarades ne dormaient pas tous ils applaudiraient. Un autre, encore plus court : « Un vent tellement vent qu’il en devient noir. » Vous n’avez jamais essayé de donner dans l’Haïkou ?

Que dire d’autre… Oui, ici j’ai noté incompréhensible. C’est un de mes dadas, mais je déteste le tarabiscoté. Ecoutez-vous, p.163 : « L’attention par opposition à la distraction, et l’affirmation, la décision, pour faire pièce à l’hésitation et à la dispersion – ma ruine de chaque instant. » Comprenne qui pourra !

Sous-jacent, vous avez des pointes d’humour que vous feriez bien de cultiver. Je note p.386 : « Un professeur demande à l’un de ses étudiants s’il a lu les Liaisons dangereuses ; et de s’entendre répondre : pas personnellement ! » Ou encore, p.409 : « Pendant la guerre, un homme affamé se résigne à manger son chien, regarde les os qu’il en laisse et soupire : « Pauvre Médor, comme il se serait régalé ! »

Je vous mets la moyenne, Kuffer Jean-Louis, car vous m’avez ému avec une seule phrase. Moi qui ne ferai plus de montagne, je me la récite en souvenir de mes ascensions : « Montagnes blanches ou comme immatérielles ou découpées dans une cornette de nonne, flottant dans le bleu tendre de l’avant-printemps. »