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Eliane Bouvier
4 février 2014

BOUVIER : Usage, connaissance et humour

Eliane BouvierOui.
C’est bien.
C’est même très bien.
Mais….
Là je suis un peu comme un prof devant le travail de matu d’un élève. Travail très réussi, excellent, mais le prof ne peut s’empêcher de lâcher un MAIS…
Et parler de prof me fait penser au temps où j’étais à l’école. A l’université pour être plus précis. Il m’arrivait de passer quelques heures dans cette bibliothèque que nous nommions alors BPU. Devant un livre qui me tombait des mains, mes yeux se promenaient sur les tableaux qui ornaient la salle. Des messieurs, de vieux messieurs, des savants, des professeurs, nimbés dans des couleurs d’outre-tombe, protégés par leur barbe ou leur moustache, coincés dans leur col cassé rigide et académique, semblaient me prouver leur réussite à force de travail et d’étude. Ils incarnaient le savoir et la réussite.
Mais plus je les côtoyaient, et moins j’avais envie de suivre leur chemin.
Et c’est en lisant Bouvier que j’ai compris avec acuité que les connaissances académiques, le savoir, bref, la culture, la vie, ne se trouvait pas là, dans cette salle et ces portraits antiques. Bouvier m’a fait comprendre que l’usage fait la culture. Et surtout la vie qui va avec. En sommeillant sur mes bouquins universitaires, je ne pouvais que finir cancre. En lisant Bouvier, je devenais intelligent. La culture, la connaissance vivante y est à chaque coin de phrase et elle m’était offerte comme une respiration nécessaire.

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C’est bien. Très bien.

Mais… Il faut revenir sur ce mot : USAGE de l’Usage du monde. USAGE, quel beau mot et si peu universitaire. USER, UTILISER, USURE, USAGé, c’est à dire, se réapproprier, recommencer, refaire, consommer, fréquenter, manier, procéder, puiser, jouir. Bref, c’est en payant de sa simple personne au quotidien que la vie se fait. Et cela arrive également aux gens que Bouvier rencontre.
Dans l’Usage du monde, justement, il y a ce passage étonnant, où des villageois lisent en ânonnant ce qui est écrit sur la carrosserie de la fameuse Topolino. Et ils finissent par comprendre qu’ils lisent un quatrain d’Omar Khayyam, quatrain qu’ils connaissent par cœur depuis des centaines d’années !

Oui, c’est bien, très bien, mais…

Et l’humour dans tout cela ? Bouvier ne me rend pas seulement intelligent en le lisant ou en l’écoutant, mais il me fait rire. Tout à l’opposé des fameux portraits de la BPU de jadis ! Même dans les moments les plus dramatiques pour l’auteur, son style et son regard me font apprécier avec sourire ses heures rudes, que tant d’autres voyageurs m’imposent comme une aune nécessaire et glorifiante de leurs aventures.

Pour ne pas rallonger inutilement, j’emprunte la parole à Bouvier lui-même, dans deux pages de l’Usage du monde. (pp321-323)